C’est ce que veut dire Spinoza lorsqu’il utilise la formule « persévérer dans son être », qui indique, non la conservation à l’identique d’un état donné qu’il n’y aurait qu’à perpétuer, mais le processus par lequel le « sujet » concerné est amené en permanence à remettre en question et à renégocier, sans garantie aucune, ses conditions d’existence. Enregistrer mon nom, mon e-mail et mon site web dans le navigateur pour mon prochain commentaire. « Vingt ans après », le même Canguilhem invite son lecteur à « mesurer combien, avec le temps, nous avons, conformément à notre discours sur les normes, réduit les nôtres » (id., p. 218) : cette formule contournée suggère qu’il est passé à une conception plus mesurée, et en quelque sorte plus réaliste, du devoir-être, modérée par la considération des « ruptures inchoatives » qui accompagnent inévitablement sa mise en œuvre. L'objet d'étude de la biologie est donc irréductible à l'analyse et à la décomposition logico-mathématiques. C’est de cet environnement en quelque sorte négatif qu’il doit venir à bout. Il en résulte que être sujet, pour un vivant quel qu’il soit, ce n’est pas prioritairement être sujet de raison, ce qui, à la rigueur, mais c’est encore bien réducteur, peut être avancé à propos de l’homme, mais c’est être sujet d’action, engagé dans le monde d’une manière qui n’est pas uniquement représentationnelle et mentale mais aussi, et même avant tout, comportementale et corporelle. À l’examen, il apparaît que l’ensemble de l’œuvre théorique qui a été élaborée à partir de ce point de départ et sur sa lancée est restée continûment fidèle à cette « exigence » : ce n’est pas un hasard si ce mot, « exigence », qui traduit la puissance normative propre à un sujet assumant la pleine responsabilité de ses jugements, revient souvent sous la plume de Canguilhem. Accueil Mes livres Ajouter des livres. La dernière modification de cette page a été faite le 21 juin 2020 à 18:53. Le vivant et son milieu. Parce que la conscience relative dont il jouit permet à l’homme de construire une théorie du jugement, cela n’entraîne pas que la puissance de juger commence à lui et soit refusée aux vivants autres que lui. La même partie est tantôt grande, tantôt petite. Si les valeurs contestent les faits, ce n’est pas qu’elles aient la prétention de se substituer à eux : elles ne sont pas des faits de niveau supérieur, comme le professe le platonisme de premier degré qui soutient la doctrine cousinienne « Du vrai, du Beau, du Bien », une manière de voir à laquelle il est impensable que Canguilhem ait pu, par un biais ou un autre, se rallier. “La vie n'est donc pas pour le vivant une déduction monotone, un mouvement rectiligne, elle ignore la rigidité géométrique, elle est débat ou explication (ce que Goldstein appelle Auseinandersetzung) avec un milieu où il y a des fuites, des trous, des dérobades et des résistances inattendues. Vivre serait donc poser des Que signifie aux yeux de Canguilhem prendre parti philosophiquement en faveur d’un devoir-être ? La « dialectique » dont il lui arrive de se réclamer à titre personnel, nourrie par la lecture de l’Essai pour introduire en philosophie le concept de grandeurs négatives de Kant, par celle des oeuvres de Renouvier et de Hamelin, par celle des philosophes néo-kantiens des valeurs de l’école de Heidelberg, et pour finir par celle des travaux que Bachelard a consacrés aux jeux contrastés de la connaissance scientifique et de l’imagination, consiste pour l’essentiel en une « philosophie du non » qui fait jouer à plein, sous un horizon d’inachèvement, le principe de la négativité en écartant la possibilité de sa conversion magique en négation de la négation destinée à assurer, sous la figure d’un ontologisme de part en part spiritualisé, et refinalisé, le retour triomphal de la positivité. Description : Résumé : Entretien en deux parties entre François Dagognet et Georges Canguilhem : la première partie analyse les traits spécifiques du vivant et la seconde traite des problèmes concernant le devenir du vivant, les origines du vivant, la conservation et la mort. En réalité il se fait sans cesse un choix parmi les événements du monde selon qu’ils « appartiennent » à l’organisme ou qu’ils n’appartiennent pas à l’organisme. Le sujet-chêne, sujet-monde « qui porte et renferme tous les milieux », contient les empires particuliers que s’y taillent, chacun pour soi, les différents vivants qui l’habitent en ignorant son existence et sans rien savoir de sa nature : il constitue pour eux l’équivalent de la chose en soi inconnaissable à laquelle ils n’ont pas besoin de se référer pour exister et pour agir à leur façon propre. »10. Dans la partie complémentaire du Normal et le Pathologique rédigée « vingt ans après » l’Essai, cette position est à nouveau affirmée, étant cette fois accompagnée de la référence à Bachelard, que Canguilhem situe dans le même courant « dialectique » qui met en avant le concept d’opposition au détriment de celui de contradiction : « Une norme tire son sens, sa fonction et sa valeur du fait de l’existence en dehors d’elle de ce qui ne répond pas à l’exigence qu’elle sert. Cette position est celle d’un évolutionnisme de premier degré, au point de vue duquel l’antérieur est automatiquement inférieur, et le postérieur supérieur. Mais le cas des contraires est tout dissemblable. Ce qui caractérise dès l’abord cette idée, c’est l’hétérogénéité et la dispersion des champs auxquels elle renvoie, ce qui favorise la prolifération des valeurs négatives. D’autre part, Uexküll donne à penser que, à son point de vue, chaque monde conformé en rapport avec un certain type de vivant et centré sur ses besoins spécifiques se présente comme un empire autonome, enfermé dans les limites de son ordre propre, tanquam imperium in imperio, serait-on tenté de dire ; il faudrait alors traduire cette formule : « comme un empire dans l’empire », ce second empire, qui contient tous les autres, étant le monde en général. Cela signifie que ces vivants sont tous, chacun à sa manière, sujets de jugement, en l’absence d’une forme-sujet générale, définissable une fois pour toutes dans sa forme, à laquelle ces différentes façons d’être sujet puissent être rapportées : lorsque l’homme élabore l’idée d’une forme-sujet dotée de conscience, c’est dans le contexte propre à ses conditions d’existence qui impliquent la capacité de réfléchir et de raisonner mise en œuvre, cultivée et mémorisée au cours de sa longue histoire par Homo sapiens. Ce n’est pas appréhender celui-ci comme un terrain tout préparé et structuré dans lequel il n’y aurait qu’à s’engager sans l’interroger au préalable sur ses conditions de possibilité. »39. https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=La_Connaissance_de_la_vie&oldid=172212883, Article manquant de références depuis avril 2017, Article manquant de références/Liste complète, Portail:Histoire des sciences/Articles liés, Portail:Sciences humaines et sociales/Articles liés, licence Creative Commons attribution, partage dans les mêmes conditions, comment citer les auteurs et mentionner la licence. Cette formule, on le sait, peut être prise dans des sens opposés. La contrariété en un mot, est une opposition réelle. Canguilhem, "la vie dans le silence des organes", ne pose ses valeurs au grand jour que lorsqu’elles sont contrariées par des événements qui en perturbent le cours et qu’elle ressent profondément comme intolérables : ainsi, c’est parce qu’il refuse sa souffrance que le vivant est amené à manifester son identité de vivant porteur de la connaissance du vivant! Dans le deuxième article, intitulé La machine et l'organisme, Canguilhem interroge la comparaison entre deux représentations intuitivement séparées, et qui pourtant dans l'histoire de la philosophie sont très souvent associées. À ce niveau, qui est à la fois le plus élémentaire et le plus général, penser, activité concrète qui s’exerce nécessairement en situation, n’est rien d’autre que s’orienter dans un monde non déjà tout donné, mais reconfiguré à mesure que le sujet qui s’y oriente y réalise en acte les besoins et les tendances qui spécifient sa position et sa posture de sujet. Une liste de causes possibles à ce dépassement est proposée : développement des possibilités techniques, désinvestissement de la philosophie de la nature, déconsidération de l'esclavage (et donc du travail, lié à la pratique et à la technique), affirmation d'une différence radicale entre l'âme humaine et le reste du monde.... Dès lors, le monde de la technique étant considéré, c'est toute la question de la finalité dans la machine qui peut être réintégrée chez Descartes : la différence entre l'organisme et la machine ne se fait pas par leur réalité physique, mais par l'origine de l'attribution de la finalité, dans les deux cas création. À cela s’ajoute que ces valeurs, dont la position répond au mouvement même de la vie, n’ont pas le statut de formes définitivement structurées et précisément localisées vers lesquelles il n’y aurait qu’à faire retour : ce sont des tendances, qui, tournées vers l’avant, propulsent le donné dans le sens de sa transformation, sa « Veränderung » dirait-on dans le langage de Marx ; elles ne consistent pas en l’adaptation à des normes imposées du dehors mais en l’invention de nouvelles normes dont le style, le « schème » dirait-on dans le langage de Kant14, se précise au fur et à mesure de leur exercice. il adopte précisément le point de vue hétérologique défendu par Rickert. »2. Suivi jusqu’à ses ultimes conséquences, ce présupposé anthropomorphique conduit à penser qu’il n’y a de vrai sujet, pleinement constitué, qu’humain, les autres vivants étant renvoyés au statut de quasi sujets, sujets incomplets, imparfaits, voire même manqués, auxquels fait défaut, du moins en partie, la capacité entière d’évaluation et de jugement qui appartient à l’humain comme tel et le définit. Dans une telle situation, vivre, persévérer dans son être, c’est-à-dire avoir à être, en étant porté par la puissance du virtuel et non en se soumettant aveuglément à des règles, n’est possible qu’en relation à la fois avec un mi-lieu et avec un mi-lieu. Être sujet, ce qui n’est pas une condition donnée de manière statique, c’est donc avant tout se trouver dans un rapport d’interpénétration réciproque avec son milieu d’existence, et adopter tant bien que mal, en prenant des risques, les allures de vie qui répondent dynamiquement à ce rapport ; en conséquence, c’est développer, autant qu’on y est enclin par sa nature, le sens du possible. Les « idées » qui accompagnent ces manifestations spontanées, primordiales, de la pensée par lesquelles elle se ramène au fait de préférer et/ou d’exclure, risquent d’être, dirait Spinoza, fort inadéquates, ce qui ne les empêche pas, à défaut de pouvoir s’afficher et se faire reconnaître comme des idées vraies, d’être de vraies idées. II. Devoir-être signifie alors, non plus imposer par la seule force de sa volonté de nouvelles normes d’existence allant dans le sens de son élargissement, mais avoir péniblement à être, à continuer à être, à persévérer dans son être, en tenant compte des multiples risques de perturbation provoqués les erreurs de la vie et les incertitudes du milieu, qui, les unes comme les autres, ne peuvent être ni ignorées ni contrées frontalement. Ce qui est « réel », ce qui constitue la trame de la réalité en tant que milieu, milieu de vie ou milieu de pensée, ce n’est pas l’un à l’exclusion de l’autre, c’est-à-dire en fin de compte l’un sans l’autre, mais leur relation antagonique, leur « contrariété » dirait Hamelin7), donc leur polarité, qui, si elle est amenée à revêtir des formes indéfiniment variées, ne peut être résolue, c’est-à-dire supprimée, dans l’absolu. Pour Canguilhem, l’homme est perdu face au monstre ou au monstrueux car on nous a enseigné l’ordre et que « le même engendre le même ». Penser, on n’a que trop tendance à l’oublier, est en premier lieu une activité ; davantage encore, c’est une activité qui s’effectue en contexte, et en réponse aux sollicitations transmises par ce contexte : ramenée à ses modalités élémentaires, qui ont leurs racines dans la sensibilité, – la sensibilité n’étant rien d’autre que la conscience qu’a l’être qui en dispose du contexte dans lequel il vit –, cette activité consiste à opérer en pratique des choix, sans avoir besoin pour cela de les théoriser à distance. Thèse "Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique". Pour améliorer la vérifiabilité de l'article, merci de citer les sources primaires à travers l'analyse qu'en ont faite des sources secondaires indiquées par des notes de bas de page (modifier l'article). : le vivant est jugé par Canguilhem comme ayant : « moins de finalité et plus de potentialités »[6]. L’ouvrage de Canguilhem intitulé Le normal et le pathologique porte, effectivement, sur la conceptualisation du phénomène du vivant qui était permise par le positivisme physiologique qui, dans le contexte intellectuel français du XIX e siècle, fut lui-même assimilé par le positivisme sociologique d’Auguste Comte et ses élèves14. On perçoit le monstre de différentes façons : avec peur, fascination mais aussi parfois une certaine curiosité. la place de La connaissance de la vie dans l'oeuvre de Canguilhem… L'objet d'étude de la biologie est donc irréductible à l'analyse et à la décomposition logico-mathématique. Portail de ressources électroniques en sciences humaines et sociales, Subjectivité et normativité chez Canguilhem et Foucault, En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées, À quoi les articles font-ils penser ? Chaque milieu découpera une certaine région du chêne, dont les particularités seront propres à devenir porteuses aussi bien des caractères perceptifs que des caractères actifs de leurs cercles fonctionnels […] Dans les cent milieux qu’il offre à ses habitants, le chêne joue de multiples rôles, chaque fois avec une autre de ses parties. À la lumière de cette hypothèse, il apparaît que la philosophie de Canguilhem pourrait bien être une philosophie du milieu, avec les deux valeurs objective et subjective du génitif : c’est-à-dire une philosophie nourrie par une réflexion sur l’idée de milieu ou à son propos, mais aussi une philosophie située en plein milieu de la réalité polaire désignée par cette idée dont elle épouse pas à pas les fluctuations sans préjuger de leur issue. Dans cet ensemble d'articles, Canguilhem présente les spécificités qui animent le vivant, en évitant les écueils d'un vitalisme débordant tout autant que le réductionnisme, identifié ici à un déterminisme machinal. Il s’agit donc d’opposés réels, dont seule la relation est marquée par la négativité, étant écartée la possibilité qu’aucun des termes de cette relation puisse être considéré comme négatif ou positif en soi : autrement dit, ceux-ci, tout en s’opposant, coexistent et d’une certaine manière se complètent6, s’appellent réciproquement, sans toutefois se concilier ni fusionner. Il s'inspire tout particulièrement de Claude Bernard et de Bergson dans ce chapitre. Or, il n’en est rien, comme on est amené à le constater lorsqu’on aborde la notion de milieu au point de vue de la connaissance de la vie, dans une perspective qui n’est plus abstraite et théorique mais concrète et pratique : en effet, il apparaît alors qu’il n’y a pas de milieu en soi, entièrement déterminé dans son être par des conditions naturelles, mais il n’y a de milieux que pour des vivants, en relation avec leurs besoins et leurs tendances qui ne cessent de les reconfigurer22. Ses implications sont si diverses, mêlées et fluctuantes16, qu’elles en remettent en cause la consistance et la fiabilité, ce qui ne la rend pas moins stimulante intellectuellement, bien au contraire : la pensée, comme l’histoire, comme la vie, n’avance pas que par ses bons côtés ou par ses bons concepts sur une ligne toute droite dont il n’y aurait qu’à suivre du début jusqu’à la fin le tracé17. S'il n’y a pas cette ressemblance, l’homme va se poser des questions quant à ces anomalies qui peuvent être présentes. Le sens de ce choix tient, explique-t-il, à une préférence pour le concret, la vie de tel vivant, individu singulier, plutôt que les lois de la vie en général.
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